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SUD Travail Affaires Sociales : Place nette, merci mais non merci

30 mai 2024

L’inspection du travail est chargée d’appliquer le Code du Travail, en toute indépendance vis-à-vis d’influences extérieures indues, afin que la teneur de ses interventions ne soit pas influencée par l’importance économique ou politique de l’employeur contrôlé, les règles devant être appliquées de manière identique aux différents employeurs. Elle a pour mission de garantir les droits des salariés, précisons de tou.tes les salarié.es, quelle que soient leur nationalité ou origine (réelle ou supposée).

Garantir les droits des salarié.es cela signifie aussi pour l’Etat sanctionner les employeurs ne les respectant pas, ni plus ni moins que d’autres délinquants. Pourtant, les employeurs délinquants sont, dans les faits, en situation d’impunité totale vis-à-vis des infractions commises dans 80% des procédures (chiffre issu du suivi des procédures pénales établies par l’inspection du travail en Haute-Garonne entre 2017 et 2022), ce qui encourage évidemment la persistance du comportement infractionnel, au mépris des droits des salarié.es concerné.es.

Dans ce contexte, on pourrait se dire que la préoccupation est de mettre fin à cette impunité pour légitimer nos interventions. Et bien non, la priorité du moment n’est pas celle-ci.

Des employeurs plus ciblés que d’autres, en se basant sur leurs patronymes ou leur lieu d’installation.

Le gouvernement, suivi parfois avec zèle par les directions locales d’administration (et manifestement en partenariat avec Cnews !) s’est lancé dans une course folle avec l’extrême droite, à base de « discours de vérité ».

Dans certaines zones, ô surprise les quartiers les moins cossus, les employeurs seraient des exploiteurs multi récidivistes, blanchissant massivement de l’argent de la drogue ou apportant un soutien au terrorisme, employant des travailleur.ses non déclaré.es (qui profitent eux.elles-mêmes des aides sociales).

Ce « ciblage » semble impliquer qu’ailleurs personne n’est exploité, et que la légalité républicaine domine.

Cette vision n’a, à l’évidence, qu’un rapport ténu avec la réalité.

Les éléments factuels ressortant des contrôles de l’inspection du travail, c’est que tous les employeurs peuvent ne pas respecter le droit du travail, y compris dans des quartiers chics, où on trouve autant de salarié.es non déclaré.es ou en situation irrégulière qu’ailleurs, avec d’autres situation infractionnelles qui s’ajoutent (fraude, oups, pardon, optimisation fiscale).

Mais là c’est pas pareil, quand c’est un employeur établi dans un quartier chic, ne pas respecter les droits des salarié.es en ne les déclarant pas, et en maintenir certains dans une situation de dépendance, ce sont des manières de « lutte » contre le « coût du travail », réalisées par des employeurs qui se lèvent tôt et créent de la richesse.

L’instrumentalisation du CODAF, une tendance lourde.

Depuis quelques années, un outil existe pour embrigader l’inspection du travail dans des politiques publiques ayant pour objet de cibler des comportements frauduleux, qu’on appelle les comités départementaux d’action contre la fraude (ou comités opérationnels, départementaux anti fraudes), bref les CODAF, sous la double direction des préfectures et des services du procureur de la république.

Ces « comités » réunissent différentes administrations, dont l’inspection du travail, et ont pour but de lutter contre les « fraudes », notamment en réalisant des contrôles concertés.

Le nom de l’inspection du travail est donc associé à celui d’autres administrations, dont les missions n’ont pas toujours pour objet d’améliorer le sort des salarié.es, comme la Police de l’Air et des Frontières qui dans ses fonctions de « répression de l’immigration irrégulière et de l’emploi d’étrangers sans titre de séjour » peut interpeler et placer en centre de rétention administrative les salarié.es en situation irrégulière victimes.

N’en déplaise aux tenants de la start up nation considérant que tou.tes les salarié.es sont des cadres dynamiques qui font des réunions Teams, il est essentiel pour l’inspection du travail que les plus précaires (barrière de la langue, situation de séjour irrégulier ou absence d’autorisation de travail, absence de compte bancaire, de logement stable, etc.) puissent nous contacter, donc aient confiance en nous, ce qui ne sera pas le cas si l’inspection du travail s’associe à ce type d’opérations.

L’OIT avait déjà demandé au gouvernement français de ne pas détourner les pouvoirs de l’inspection du travail au profit de la lutte contre l’immigration, et même notre administration, d’ordinaire si soucieuse d’être d’accord avec tout ce qu’on lui demande de faire, s’est fendue d’une note du 16/02/2021 pour cadrer la participation de l’inspection du travail !

Les CODAF sont aussi utilisés comme des instruments médiatiques afin de montrer la volonté de l’Etat d’agir sur les thématiques vues comme prioritaires sur le moment, allant de la lutte contre le djihadisme (on vous joint un excellent tract qu’un fabuleux syndicat a rédigé à ce sujet [auto promo]), à diverses opérations « coups de poing ».

La dernière mouture de ces opérations coup de poing mises en scène : les opérations « place nette ».

Vous en avez probablement entendu parler, que vous fassiez ou non partie de l’inspection du travail.

Décrire ces opérations implique de bien mesurer à la fois leur caractère nauséabond visible dans leur intitulé même (même si la marque Karcher n’est pas évoquée, la sémantique est celle du nettoyage, a priori contre un désordre ou une saleté dont on veut se débarrasser), mais aussi grandiloquent/ridicule.

Le côté grandiloquent/ridicule est particulièrement illustré par des longues vidéos avec de la musique « classique » entrainante faisant penser à Pirates des Caraïbes, avec des images sans fin de files de policiers en armure, armes dégainées au petit matin, qui vont aller enfoncer des portes.

SUD vous invite à prendre deux trois minutes pour faire une recherche sur un moteur de recherche, on croirait un reportage de CNews avec de la musique en plus.

Toujours plus loin, toujours plus haut, toujours plus fort, le service de communication de la Place Beauvau lance : « place nette XXL » qui n’est pas le nom d’un hamburger ou d’un T shirt mais d’une opération encore plus grande et donc encore plus efficace.

Récemment organisées, notamment sur Toulouse, les 2 et 11 avril 2024, ces opérations ont abouti à des saisies de drogues ou de cigarettes de contrebande et des fermetures administratives décidées par la préfecture (sanctions peu mises en œuvre par la préfecture en dehors de ces cas là…).

Mais que fait l’inspection du travail dans cette galère, et surtout pourquoi continue-t-elle à y ramer ?

SUD demande à la direction de ne plus être présente dans toute opération de CODAF dans laquelle il y aurait un risque de « mélange des genres », ou bien un « ciblage » discriminatoire. Dans le cas contraire, SUD invite chaque agent.e de contrôle à ne plus prendre part à ce type d’opérations.

Parce que les salarié.es ne sont pas coupables d’être exploité.es, SUD demande à la direction de mettre en place une procédure claire avec les différentes administrations pour que tout.e salarié.e victime d’infractions de type travail dissimulé et/ou emploi sans autorisation de travail, soit accompagné.e pour que sa situation en terme de droit au séjour soit régularisée.