Le mouvement de révolte qui a éclaté à la suite du meurtre d’un jeune homme par un policier à Nanterre, le 27 juin dernier, a entraîné un déchaînement répressif. Pour accompagner cette répression, nous assistons à deux types de discours :
Le premier est un discours ouvertement raciste et extrêmement violent qui qualifie les révolté.e.s de « sauvages » ou de « nuisibles », les animalise, et rejette la responsabilité de leurs actes sur les supposées défaillances de leurs familles, afin de légitimer les violences et les assassinats policiers.
Le second est un discours méprisant visant à dépolitiser la révolte au prétexte que « l’émeute n’est pas politique », ou que « rien ne peut justifier la violence ». L’un et l’autre de ces discours visent le même but : justifier la répression.
Or quoi de plus anticapitaliste que le pillage d’un Auchan ? En se réappropriant ou en détruisant la marchandise, c’est aux conditions d’existence qui leur sont faites que les pauvres s’en prennent concrètement. S’en offusquer et crier au scandale c’est oublier que le capitalisme détruit chaque jour des millions de tonnes de marchandises prétendument en surplus.
Dans aucun de ces discours le système capitaliste n’est désigné comme responsable de la violence globalisée qu’il engendre partout, que ce soit envers les humain.e.s, les non-humain.e.s, les écosystèmes, à l’échelle de la planète et jusque dans les quartiers, les rues, les habitats, les corps et les esprits.
Guerres impérialistes, guerres coloniales, accaparements de terres, privatisations de l’eau, pillage de la planète, marchandisation généralisée, répressions, enfermements, ghettoïsations, apartheids, génocides, souffrance, suicides et mort au travail, précarité, chômage, pauvreté, misère, etc. : le capitalisme dans sa course à la valeur n’a aucune limite, sous peine d’en finir avec lui-même.
De crise en crise, ses ravages s’amplifient, et les révoltes se succèdent au rythme des attaques violentes que subissent les populations les plus défavorisées, salarié.e.s ou non.
La révolte qui a enflammé les quartiers populaires (et bien au-delà) trouve sa légitimité dans le meurtre arbitraire, raciste et intolérable perpétré par un membre de l’institution policière. Alors celles et ceux qui profitent du système prennent peur et leur réponse, par l’intermédiaire de l’État et de sa police, garants de leur tranquillité de privilégiés, est une répression policière et judiciaire d’une extrême violence qui signe le lien entre le capitalisme et la fascisation de l’État et de la société.
L’assassinat du jeune Nahel à Nanterre n’a pas été le fait d’une « brebis galeuse » ; ce n’est pas une « bavure policière ». L’institution policière est aux ordres de l’État, lui-même au service du capitalisme, et c’est précisément le rôle structurel de la police de contrôler, de réprimer, et éventuellement de tuer les pauvres. Ce sont désormais plus de 40 personnes que chaque année la police tue, sans jamais être inquiétée. Les « forces de l’ordre » ne protègent que ceux et celles qui ont quelque chose à défendre ; quant à ceux et celles qui n’ont rien, la fonction intrinsèque de la police est de les mettre au pas.
Dès lors, toute tentative de « réformer » la police nous paraît tout autant vouée à l’échec que celle de « réformer le capitalisme » tant police et capitalisme sont liés l’une à l’autre par la nécessité de dissimuler leurs crimes.
La répression de la révolte s’est non seulement accompagnée de discours littéralement fascistes (à l’image du communiqué des « syndicats » Alliance/Unsa-Police), mais aussi de pratiques fascistes. L’extrême-droite réclame sans cesse le rétablissement de la peine de mort alors qu’elle est de fait exercée dans la rue, dans les prisons et les centres de rétention administrative. Le déploiement de troupes policières antiterroristes (RAID, GIGN, BRI) dans un contexte de maintien de l’ordre est un symbole de ces rapides évolutions fascisantes. Des milices fascistes sont ouvertement intervenues à leurs côtés dans plusieurs villes (en particulier Lorient, Annecy, Angers…) pour leur prêter main-forte, sans guère susciter de commentaires politiques. La réponse de l’État est toujours plus autoritaire (dans la continuité de la répression du mouvement des Gilets jaunes), que ce soit par la criminalisation de toute révolte, par la menace de suspendre les réseaux sociaux, ou encore par la validation législative du permis de tuer des « forces de l’ordre ». Les médias servent de caisse de résonance à ces propos et à ces pratiques, et les justifient sans vergogne à des heures de grande écoute. Les discours xénophobes et racistes ont trouvé encore un nouveau carburant, alors même qu’une très large majorité des révolté.e.s arrêté.e.s sont de nationalité française.
La répression qui s’abat sur le mouvement de révolte est une fois de plus ahurissante. La gestion militaire du maintien de l’ordre a logiquement été d’une violence inouïe : au moins deux personnes ont été tuées par la police (à Marseille et en Guyane), auxquelles il faut ajouter une personne décédée au centre de rétention administrative de Marseille. Les blessé.e.s graves se comptent par dizaines. L’État se félicite d’avoir arrêté environ 4 000 personnes en moins d’une semaine (soit davantage que pendant les trois semaines de la révolte de 2005) ; les personnes interpellées sont, selon les consignes du ministre de la justice, déferrées systématiquement et jugées en comparution immédiate, procédure bâclée qui s’est généralisée ces dernières années et qui entraîne toujours un alourdissement des sanctions. Les peines de prison ferme pleuvent déjà par centaines d’années, y compris pour des délits mineurs, voire pour rien du tout. Cela traduit la terreur éprouvée par les classes dominantes, qui la montrent dans les tribunaux. Cette répression judiciaire qui s’ajoute à la répression armée vise à rétablir l’ordre par tous les moyens ; c’est ce que résument des magistrats (« dans une société hiérarchisée on ne parle pas aux policiers comme à des égaux, on obtempère », dit une procureure à Marseille, le 4 juillet) ou des hauts-fonctionnaires (« deux claques et au lit », dit le préfet de l’Hérault, le 4 juillet).
Ce traitement de la révolte ne peut au demeurant qu’aggraver les tensions sociales ; il nous semble que la seule façon de les « apaiser » c’est d’œuvrer à la transformation radicale de cette société, de lutter pied à pied contre la diffusion des idées d’extrême-droite dans l’ensemble du champ politique, et de nous solidariser avec les mouvements de révolte.
Face à la violence de l’État et de ses institutions, face à l’autoritarisme, face aux groupes et aux discours fascistes, nous exprimons notre solidarité avec les révolté.e.s.
Amnistie pour les inculpé.e.s de la révolte sociale !
La coordination unitaire 09 contre les idées d’extrême-droite, 8 juillet 2023