La situation en France est aujourd’hui très inquiétante en ce sens qu’elle n’a jamais porté aussi haut l’extrême droite et ses idées depuis la fin de la seconde guerre mondiale.
Avec plus de 13 millions de voix au 2nd tour de l’élection présidentielle (2,5 millions de voix supplémentaires par rapport à 2017), Marine le Pen a malheureusement réussi là où son père avait échoué : passer la barre des 40% de
votes lors d’un 2nd tour et ainsi faire voler en éclat la théorie du soi-disant plafond de verre que le RN n’arriverait jamais à franchir ! L’élection, dans les semaines qui suivirent, de 89 député·es d’extrême droite à l’Assemblée nationale (du jamais vu) allait enfoncer le clou de cette sinistre réalité : le RN est aujourd’hui, et plus que jamais, en position de d’accéder potentiellement au pouvoir en France.
Cette situation résulte de deux phénomènes qui se nourrissent l’un l’autre.
* Le premier est la stratégie dite de « dédiabolisation » lancée en 2011 par le FN lorsque Marine le Pen arrive à sa tête. Cette dernière a compris rapidement que si elle souhaitait prendre le pouvoir par les urnes, tout devait être mis en œuvre pour intégrer, aux yeux des français·ses, le « camp républicain ». Plusieurs années de discours pseudo-sociaux et d’opportunisme programmatique ont marqué la stratégie du FN/RN. Pseudo revendication d’augmentation des salaires (tout en baissant les cotisations sociales, et en votant contre l’augmentation du SMIC à l’Assemblée Nationale), soi-disant soutien aux mobilisations contre la réforme des retraites (tout en prônant un projet de départ en retraite à 67 ans pour celles et ceux ayant commencé à travailler à 24 ans), soi-disant soutien aux droits des femmes (tout
en voulant réorienter les missions du Planning familial et sans parler des VSS au travail ou dans la sphère privée, ou en votant au Parlement européen contre une loi visant à lutter contre le harcèlement sexuel)….et derrière tout cela, la désignation de boucs émissaires tout trouvés : étranger·es, immigré·es, musulman·es principalement.
* Le deuxième phénomène vient de Macron lui-même et du gouvernement (comme des précédents). La gestion de plus en plus autoritaire de l’Etat, la répression grandissante, la casse accélérée des services publics, les lois régressives couplées à une augmentation de la précarité ne sont que le terreau sur lequel se développent l’extrême droite et ses idées.
Nous n’oublierons pas non plus des années de stigmatisations des populations immigrées et des quartiers populaires, comme nous n’oublierons pas « le bruit et l’odeur » de Jacques
Chirac, le « Karcher » de Sarkozy.
A l’université, les déclarations honteuses de
la précédente ministre de l’ESR sur « l’islamo- gauchisme » ont eu comme double objectif de stigmatiser les musulman·es et de mettre à bas la liberté pédagogique, scientifique et académique. Il y a quelques années, la mise en place de frais d’inscription pour les étudiant·es étranger·es ont là aussi eu pour effet de stigmatiser les étranger·es et renforcer ainsi la xénophobie, tout en introduisant la possibilité, à terme, de rendre l’université payante pour toutes et tous, à l’image de la stratégie mise en œuvre il y a bien longtemps au Royaume- Uni (que les fortes mobilisations étudiantes ont permis de partiellement défaire).
Autant de faits, de lois, de déclarations qui font qu’aujourd’hui le venin du racisme et de la xénophobie se répand de plus en plus. L’extrême
droite peut se frotter les mains, d’autres travaillent pour elle et les digues avec les autres partis (dont LR) se fissurent de plus en plus. Par ailleurs, la récente Loi immigration constitue le franchissement d’une ligne rouge par le gouvernement actuel, ouvrant un boulevard aux idées d’extrême droite. Malgré toute la colère légitime que nous avons contre Macron et la bataille constante que nous devons lui mener, nous ne devons pas nous tromper : l’extrême droite reste notre pire ennemie.
Les premières victimes de l’extrême droite au pouvoir seraient les immigré·es, les femmes, les personnes LGBTQIA+, les militant·es, les syndicalistes. En arrière-plan, et tout aussi surement, la casse du code du travail, des services publics et l’anéantissement des syndicats seraient dans l’agenda autoritaire et antidémocratique du FN/RN.
S’appuyant sur les orientations de son 53ème congrès (notamment sur le préambule et la partie 3), la CGT sera partout en ordre de bataille pour empêcher le pire d’arriver.
Chacun et chacune, dans nos champs professionnels, devons
développer des arguments pour outiller nos camarades et
convaincre nos collègues de l’impasse et du danger que représente l’extrême droite, le RN en tête. C’est l’objectif de ce 4 pages édité par la CGT FERC Sup, et correspondant aux orientations du 14ème congrès de la FERC-CGT et aux statuts de la CGT, qui mettent en avant nos valeurs humanistes et internationalistes.
Le Programme du FN/RN dans l’ESR
Le programme du RN contient peu de mesures en lien avec l’enseignement supérieur et la recherche, ce qui manifeste ainsi son désintérêt voire son mépris vis-à-vis du monde de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Les seuls points abordés sont d’une part le logement étudiant·e et d’autre part, des aides financières assujetties à la validation des semestres et ce à destination des étudiant·es français·es boursiers ou qui travaillent (c’est-à-dire les étudiant.e.s les plus pauvres). Ainsi, les étudiant·es
ayant des parents qui peuvent les soutenir pourront eux continuer leur scolarité en toutes circonstances. Cette mesure est donc non seulement raciste et xénophobe, mais elle introduit une inégalité majeure entre les étudiant·es selon leur classe sociale.
Le RN souhaite faire de ces étudiant.es qui travaillent de la main-d’œuvre bon marché pour les entreprises en leur versant un complément de 20 % de leur revenu, plafonné à 200 euros mensuels, et de 30 % pour les étudiant.es boursiers, plafonné à 300 euros mensuels. Or, de nombreuses études sur le sujet de la réussite de l’étudiant·e salarié·e, ainsi qu’une audition sénatoriale sur ce sujet datant de mai 2021, ont montré que non seulement les emplois étudiants sont accélérateurs d’inégalités sociales, mais qu’ils augmentent le risque d’échec académique chez les étudiant·es salarié·es. Ainsi, la proposition du RN de supprimer les bourses en cas d' »échec » est un facteur aggravant d’inégalité.
De plus, la présidente du RN souhaite instaurer un chèque formation versé par l’État accessible à tous les 18-25 ans qui feraient le choix de l’alternance ou de la formation professionnelle. Encore une fois, une main-d’œuvre bon marché pour les entreprises. Ils proposent également que les jeunes qui commencent à travailler avant 20 ans puissent partir plus tôt à la retraite, ce qui est une incitation aux métiers manuels pour les jeunes dont les parents ne peuvent pas payer des études supérieures. Une autre façon de nous dire que chacun doit rester à sa place de naissance. À aucun endroit l’éducation émancipatrice et citoyenne pour les jeunes n’est évoquée; au contraire, plus tôt on les mettra au travail, mieux cela sera. Qu’en est-il de faire des citoyen·nes qui réfléchissent et qui s’épanouissent par les études et la formation ?
Concernant le logement étudiant, le RN ressort la rengaine habituelle : trop de logements sont attribués aux étudiant·es étrangers et donc il veut instaurer une discrimination à l’accès au logement. Or, les chiffres du CROUS de 2021 indiquent que seulement 30% des logements sont occupés par des étudiant·es internationaux. Le RN remet ainsi en cause l’ensemble des programmes ERASMUS ou d’échanges internationaux entre les différentes universités.
Et l’apothéose : le RN veut reprendre en main le contenu et les modalités des enseignements, et renforcer l’orientation précoce des élèves, pour rétablir « l’excellence éducative à la française ». En effet, lors du vote au Parlement européen sur la liberté académique des universitaires (c’est-à-dire liberté de recherche, d’enseignement et d’expression), le RN s’est abstenu. Cette ligne se retrouve également dans sa volonté de supprimer les dispositions de la loi Fioraso qui permettent d’avoir des enseignements de Masters en anglais, ce qui permet d’attirer et d’ouvrir les études universitaires aux étudiant·es internationaux.
Enfin, avant même l’université, le RN souhaite supprimer les enseignements de langue et de culture d’origine (ELCO) « qui nuisent à l’assimilation des élèves », notamment parce qu’ils sont assurés par des enseignant·es étrangers·ères. Ceci résonne comme un rappel à l’oppression qu’ont subie les langues régionales dans le passé, ce qui a appauvri notre culture.
L’Union CGT FERC Sup en lutte contre l’extrême droite, ses idées, ses pratiques
Le monde que nous propose Marine Le Pen, comme le reste de l’extrême droite, est à l’opposé de nos valeurs académiques, faites de tolérance, d’écoute et de respect. Son projet est fondé sur le rejet de l’autre, sur la désignation de boucs émissaires et sans jamais remettre en cause le système économique, capitaliste, dans lequel nous vivons. L’extrême droite a toujours été l’alliée du patronat et en matière d’enseignement supérieur et de recherche, il en sera de même : les intérêts du patronat continueront de guider les réformes et les libertés académiques seront en ligne de mire. L’Union CGT FERC Sup travaille sur cette problématique et proposera à ses syndicats et à ses syndiqué·es des outils pour les aider à contrer, sur le terrain, le développement de l’extrême-droite et de ses idées.
En lien avec la FERC CGT, l’Union CGT FERC Sup :
* Éditera des argumentaires et du matériel
propre à notre champ et au-delà,
* Écrira régulièrement des articles sur le
sujet dans l’Echo du Sup,
* Fera la promotion des formations
CGT de lutte contre l’extrême droite. Cette lutte passe également par :
– La continuité de l’adhésion de notre Union nationale à l’association VISA (Vigilance et initiatives syndicales antifascistes). Cette association intersyndicale nous permet de participer à une veille nationale des actions menées par l’extrême-droite mais aussi de récupérer des documents analysant leurs pratiques et les positions que tiennent les élu·es d’extrême droite dans les différentes instances. Elle publie de précieuses ressources qui nous permettent d’armer au mieux nos militant·es pour lutter au quotidien contre l’avancée des idées nauséabondes portées par l’extrême-droite sous toutes ses formes.
– Le déploiement, en lien avec la FERC CGT, du module de formation syndicale « lutter contre l’extrême droite, ses idées, ses pratiques » au niveau national, mais aussi au niveau local avec les syndicats qui le souhaitent. Former et informer nos militant·es est un enjeu crucial, il est donc important de continuer à proposer et à élargir la participation de nos camarades à ces formations.
Enfin, lutter contre les idées d’extrême-droite nous impose aussi de lutter contre les régressions sociales qui les rendent audibles pour les travailleuses et les travailleurs : c’est pour cela que notre Union organise, avec ses syndicats et l’ensemble de notre confédération, la lutte quotidienne contre les politiques libérales.
L’Union CGT FERC Sup continuera inlassablement à lutter pour une université ouverte à toutes et tous, gratuite et émancipatrice.
Présence de l’extrême droite dans les établissements de l’ESR
Présence d’individus d’extrême droite chez les étudiant·es Extrême droite organisée chez les étudiant·es.
L’Union CGT FERC Sup a décidé d’entamer un travail de recensement de l’extrême droite dans les universités. Il s’agit encore ici d’un travail non exhaustif de la présence de l’extrême droite dans l’ESR hexagonal. Malgré cela, et en attendant les futures mises à jour, on voit sur cette carte que l’extrême droite, et en particulier l’extrême droite organisée (AF, Cocarde, GI, Génération Z, Reconquête, RN, UNI, ou d’autres groupuscules locaux identitaires ou masculinistes), est présente et active sur de nombreux campus de manière visible, en particulier chez les étudiant·es.
En plus d’une activité militante (affichages, tractages, tags racistes / misogynes / homophobes, pouvant aller jusqu’à la tenue de formations) et de démonstrations de force (cassages de grèves, intimidations, annulations d’évènements), l’extrême droite présente de plus en plus de listes dans les conseils centraux des établissements ou aux élections du CROUS et y obtient parfois des sièges (Aix-Marseille, Angers, Avignon, Belfort- Montbéliard, Nantes, Saint-Étienne, Côte d’Opale).
On remarque que l’intensité de la présence comme de l’activité sur les campus semble liée à l’existence de structures et locaux d’extrême droite — bars (comme la Citadelle à Lille) ou club de sport (comme les Active Club par exemple à Grenoble, ou des groupes de supporters ultras comme les Brizak Nancy) — dans les villes adjacentes, ainsi que de « leaders », bien souvent extérieurs à l’ESR, autour desquels les groupes s’organisent, comme Ayma à Aix, Ravier à Marseille, ou Bompard à Orange.
L’Union CGT FERC Sup sera très vigilante sur le développement de ces groupes violents et participera, dans l’unité, à les contrer.