Ce 13 juillet 2025, à Moulins, dans l’Allier, la veille de notre Fête nationale, ce ne sont pas les valeurs de la République qu’on a célébrées. Jusqu’où ira la banalisation de l’extrême droite ?
À Moulins, des croix gammées sur un bâtiment public : jusqu’où ira la banalisation de l’extrême droite ?
Par Augustin VINALS, militant CGT depuis 50 ans
Ce 13 juillet 2025, à Moulins, dans l’Allier, la veille de notre Fête nationale, ce ne sont pas les valeurs de la République qu’on a célébrées. Ce soir-là, sur la façade d’un bâtiment public, deux gigantesques drapeaux nazis ont été projetés. En plein centre-ville, dans une ambiance de fête historique, des croix gammées ont illuminé les murs. Ce n’est pas un cauchemar, ce n’est pas une fiction dystopique : c’est bien ce qui s’est produit à Moulins, avec l’argent public.
Ce spectacle s’inscrit dans un projet baptisé « Murmures de la Cité », présenté comme un « mini-Puy du Fou » local. Une fresque historique prétendant raconter l’histoire de France.
Mais quelle histoire ? Certainement pas celle des Lumières, de la Révolution, ni de la République. Ce que l’on y voit, ce sont des récits glorifiant les rois, les empires, la foi catholique, la chevalerie, et jusqu’aux périodes les plus sombres de notre passé, sans aucune mise en garde, sans aucun recul critique.
Une mise en scène révisionniste, une offense à la mémoire
Le journal l’Humanité a assisté à cette « reconstitution ». Il y dénonce, à juste titre, une éviction pure et simple de la Révolution française et de la République, remplacées par une narration où la France serait toujours « sauvée » par la foi, les trônes et les armées.
Mais là où la sidération laisse place à la colère, c’est lorsqu’on voit apparaître ces bannières nazies projetées sur les murs, comme s’il s’agissait d’un simple décor de spectacle, sans explication, sans contexte, sans dénonciation. Comme si l’horreur nazie pouvait être instrumentalisée dans un divertissement grand public. Comme si l’Histoire elle-même devenait un terrain de jeu pour les nostalgiques de l’ordre et du sang.
Des financements publics, un soutien idéologique assumé
Ce projet n’est pas une initiative folklorique. Il a été soutenu par des subventions publiques. Oui, nos impôts ont servi à financer une mise en scène complaisante avec le révisionnisme historique, dans un esprit clairement réactionnaire. Il bénéficie aussi du soutien actif de Pierre-Édouard Stérin, milliardaire ultra-conservateur, engagé depuis des années dans des projets visant à restaurer « les racines chrétiennes » de la France et à affaiblir les fondements sociaux de notre République.
On connaît la méthode : habiller l’idéologie de spectacle, l’extrême droite de folklore, et faire passer des messages nauséabonds sous couvert de tradition. On l’a vu à travers les médias de Bolloré, à travers les réseaux catholiques intégristes, et maintenant à travers ces pseudo-spectacles historiques.
Ce que nous vivons n’est pas anecdotique. C’est une offensive.
Le danger est là : banaliser l’impensable. Faire passer la République pour un accident de l’Histoire, effacer la Révolution, nier la Résistance, mettre sur le même plan les Lumières et les ténèbres. Tout cela, dans un moment où l’extrême droite est aux portes du pouvoir, où la mémoire antifasciste est attaquée, où les idéaux du Conseil National de la Résistance sont piétinés.
Ce spectacle est une alerte. Une de plus, mais peut-être une de trop.
Nous ne pouvons pas rester silencieux.
Je le dis ici en tant que militant syndical, républicain, fils d’ouvrier espagnol ayant fui le franquisme. Je le dis en pensant à toutes celles et ceux qui sont morts en luttant contre le nazisme. Je le dis au nom de ceux qui, chaque jour, défendent la démocratie dans les quartiers, les écoles, les entreprises, les hôpitaux, les syndicats.
Nous exigeons :
La fin immédiate des subventions à ce projet ;
Une enquête publique sur les conditions de financement et les objectifs idéologiques portés par ses initiateurs ;
Un engagement clair des collectivités locales contre toute réhabilitation ou banalisation des régimes totalitaires ;
Et plus largement, une remobilisation culturelle, civique et éducative pour défendre une Histoire populaire, républicaine, antifasciste, vivante.
La République n’est pas un décor de spectacle. Elle est un combat.
À Moulins, le 13 juillet, c’est une certaine idée de la France qu’on a insultée. La meilleure réponse, c’est de la faire vivre plus fort encore dans les luttes, dans l’éducation, dans les mobilisations sociales, dans l’art et la culture populaire.
Et surtout, de ne pas se taire.