Lors des élections aux chambres d’agriculture de janvier 2025, la Coordination rurale a fortement progressé, au dé- triment de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles FNSEA le syndicat hégémonique et de sa « pouponnière » le syndicat des Jeunes Agriculteurs.
En 2019, elle obtenait 21,54 % des suffrages. À l’issue de ces élections, la Coordination rurale était le deuxième syndicat agricole français, au coude à coude avec la Confédération paysanne. En 2025, la FNSEA-JA perd 11 départements au profit de la Coordination rurale, et 3 autres remportés par la Confédération paysanne.
En 2025, la CR progresse fortement pour atteindre 30,08 %. Au vu de son idéologie et de ses pratiques, ce résultat est terriblement inquiétant.
Extrait du communiqué de la Confédération Paysanne du 10 février 2025 :
« La Confédération paysanne fait mieux que résister en gagnant du terrain, dans un contexte de crise agricole, politique et médiatique, marqué par le populisme et les idées d’extrême droite.
Selon les dernières estimations, la Confédération paysanne consolide son score au niveau national autour de 20,67% contre 20,04% en 2019.
Un·e paysan·ne sur cinq considère bien que la Confédération paysanne est la véritable alternative au modèle agricole qui fait disparaître les paysan·nes.
La progression de la Coordination rurale s’est faite en prenant des voix à la FNSEA, sans proposition concrète. Elle a instrumentalisé la colère et la détresse en créant des bouc-émissaires. »
Lire tout le communiqué : La Confédération paysanne remporte trois chambres d’agriculture et est le 1er syndicat dans 17 départements | Confédération paysanne
En jaune, les départements où la CR arrive en tête en orange ceux où la Confédération Paysanne et en bleu le MODEF, le vert correspond à la FNSEA alliée aux JA.

Petite histoire de la CR
Affublés de bonnets jaunes, ses premiers militants sont apparus fin 1991. À Visa nous faisons le lien avec la Fédération Nationales des Jaunes de France, fon- dée le 1er avril 1902 par Pierre Biétry et créé avec l’aide du patronat pour tenter d’endiguer l’influence de la CGT. Ce syndicalisme « jaunes » revendique ou- vertement la collaboration de classe, sa proximité avec le patronat, un antisémitisme assumé et ses liens avec l’extrême droite. La proximité idéologique du syndicalisme « jaune » avec le brun marine est donc historiquement très ancienne.
La Coordination Rurale s’est construite en contestant la réforme de la politique agricole commune (PAC) et en rejetant les positions jugées trop molles et con- sensuelles de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA).
Ces dissidents de la FNSEA sont alors dirigés par un trio composé de Jean-Paul Couvreur, Philippe Arnaud et Jacques Laigneau, tous trois agriculteurs dans le Gers.
Un de leurs slogans est « Nous nous battons pour maintenir notre civilisation ».
Ce «syndicat» est aujourd’hui très proche de l’extrême droite, même s’il s’en défend, et est ouvertement poujadiste et corporatiste.
Ses modes d’action sont violents, en voici quelques exemples :
- Début 2022, un membre de la CR a tenté de passer un militant du mouvement « Bassines non merci ! » par-dessus la balustrade d’un pont, dans le cadre d’un rassemblement contre les mégabassines dans les Deux-Sèvres.
- Rebelote au salon de l’Agriculture où le stand de la Confédération paysanne est pris à partie. Trois personnes de la CR profèrent alors des insultes, deux plaintes sont déposées.
- Le 31 janvier 2023, au cours de la diffusion dans un cinéma de Limoges d’un documentaire intitulé « Julien, le marais et la libellule », prenant position contre les méga-bassines, plusieurs membres de la Coordination rurale s’introduisent dans le hall d’entrée du bâtiment, le saccagent et lâchent des animaux sauvages dans les couloirs d’accès aux salles.
- Le 27 mars 2023, la Coordination rurale, qui préside la chambre d’agriculture du Lot-et- Garonne, publie un communiqué de presse s’opposant à la venue de Marine Tondelier, secrétaire du parti Europe Écologie Les Verts. Arrivée à Marmande, elle se joint à la manifestation contre la réforme des retraites.
- Elle se retrouve alors bloquée par des militants de la Coordination rurale qui l’insultent et menacent de lui jeter du lisier.
- Le président de la chambre d’agriculture, Serge Bousquet-Cassagne, aurait par la suite déclaré en privé à Marine Tondelier : « Ma poule tu t’es encore échappée. Je vais t’attraper et te plumer. »
- Une semaine plus tard, à l’initiative du sinistre Serge Bousquet-Cassagne, des agriculteurs adhérents de la Coordination rurale effectuent une nouvelle action de vandalisme en versant du fumier devant l’hôtel de ville de Nérac, le maire de la commune ayant affiché publiquement son soutien à Marine Tondelier.
- En 2004, plusieurs membres de la CR apportent leur soutien à un agriculteur qui vient d’abattre deux inspecteurs du travail enquêtant sur les conditions de travail de ses saisonniers migrants ; le syndicat placarde des affiches abjectes sur les bords de route : « Non à l’inquisition ! »
- En novembre 2024, la préfecture des Landes a déposé plainte pour un incendie volontaire dans l’enceinte de la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) lors d’une action de la Coordination rurale.
- Idem pour la préfecture du Lot et Garonne après des dégradations de bâtiments publics à Agen par la Coordination rurale ayant entraîné 400 000 euros de frais de nettoyage selon la mairie.
- Quatre agriculteurs de la Coordination rurale ont été placés en garde à vue mercredi 11 décembre 2024, à Guéret. Ces interpellations faisaient suite aux dégradations commises à l’Office français de la biodiversité, en novembre, et aux intimidations et menaces envers les agents présents. Jugemele 21 mai 2025.
Et, cerise sur le gâteau, à ces actes violents s’ajoutent des propos dignes du mépris de classe et prônant une « colonisation inversée » : En 2001, la CR occupe la préfecture d’Agen pour réclamer la venue d’ouvriers agricoles polonais et marocains.
En clair, ces « militants » refusent d’embaucher les travailleurs français, qualifiés de « bras cassés » car ils préfèrent « des gens qui ont faim et qui ont envie de travailler. »
En fait, pour ces bons capitalistes, moins on rémunère les salarié.es, mieux on se porte !
Une proximité indéniable avec l’extrême droite…
La Coordination rurale se caractérise comme niant le réchauffement climatique et elle combat farouchement les mesures écologiques. Dans le même registre, elle revendique une « simplification administrative » et rejette les normes environnementales, comme le prouvent ses nombreuses dégradations d’agences de l’Office français de la biodiversité, dans le sud-ouest notamment.
Au cours du mouvement des agriculteurs de 2024, des accointances entre le syndicat et le Rassemblement national sont relevées à plusieurs reprises. Après les élections législatives de 2024, plusieurs cadres et membres du syndicat ont même dénoncé une récupération politique au profit de l’extrême droite et une dérive autoritaire et violente
au sein de leur organisation dans une ambiance de purge, ainsi qu’une extrême droitisation de la Coordination rurale.
Effectivement, au tout début de la gronde des agriculteurs, le président du FN/RN Jordan Bardella s’est notamment rendu dans le Médoc, dans une exploitation agricole.
Beaucoup de membres de la Coordination rurale étaient alors présents sur la photo.
Et jeudi 1er février 2024, des élus du RN ont carrément fait visiter l’Assemblée nationale aux agriculteurs de la Coordination rurale.
Dans leur fief du Lot-et-Garonne, le fils de Serge Bousquet-Cassagne a longtemps été une figure du parti de Marine Le Pen.
Il s’était même présenté lors des législatives partielles de 2013 pour le RN.
De plus, plusieurs élus RN sont déjà passés par la Coordination rurale comme Christophe Barthès (Aude) et Philippe Loiseau (ex-eurodéputé).
« Comme tous les Français, je partage 80 % des idées du RN » clamait Serge Bousquet-Cassagne en janvier 2022 dans les colonnes de Libération. Le 15 novembre 2024, il a invité Éric Zemmour, fondateur de Reconquête, pour parler de la crise agricole…
… De plus en plus décomplexée !
En 2022, lors d’un congrès au Puy du Fou (comme par hasard !), Véronique Le Floc’h est élue présidente de justesse à 55 voix contre 50 face à son adversaire François Walraet.
D’une ligne soi-disant «apartisane» portée par l’ancien président Bernard Lannes durant quatre mandats successifs, l’orientation politique du syndicat change radicalement à partir de la présidence de Véronique Le Floc’h pour se rapprocher du Rassemblement national.
Ainsi, lors du mouvement de colère début 2024, la vice-présidente de la CR, Amélie Rebière, se positionne très clairement aux côtés de Jordan Bardella et le secrétaire général Christian Convers intervient à Bruxelles en compagnie de Marion Maréchal.
En juillet dernier, Sophie Lenaerts, membre du bureau, se rend à l’université d’été de l’Action française. « C’est un énorme plaisir de voir votre jeunesse, ça me fait chaud au cœur. » déclare-t-elle devant les fascistes en culotte courte.
Comme en attestent plusieurs photos et vidéos circulant à l’époque sur les réseaux sociaux, les drapeaux de la Coordination rurale se mêlent aux banderoles « Vive la France, vive le roi » ou « Reprenons le contrôle » du groupuscule antirépublicain et à la longue histoire antisémite.
Trois mois après cette intervention, Sophie Lenaerts accorde un entretien à Boulevard Voltaire, un site Internet d’extrême droite cofondé par Robert Ménard en 2012.
Si Véronique Le Floc’h se défend régulièrement de la proximité idéologique entre la CR et le RN, elle a néanmoins déclaré en février 2024 sur France Inter, que « si tout le monde avait les idées du Rassemblement national en matière agricole, on pourrait aller dans le bon sens ».
Et comme une autre forme d’aveu, cette exploitante d’une ferme agro-industrielle d’une bonne centaine de vaches laitières en Bretagne a même affirmé que « le RN est de droite et non d’extrême droite. »
Si, pour faire bonne figure, elle ne tient pas de propos outranciers, à l’inverse de bon nombre de ses cadres, il n’en demeure pas moins qu’elle laisse carte blanche pour les basses besognes à son secrétaire général et numéro 2, Stéphane Convers, qui ne rechigne pas à taper violemment sur l’OFB et ses agents : « Une voiture de l’OFB qui entre dans une exploitation sera brûlée sur place. »
VISA en campagne !
Face à la menace grandissante de l’extrême droite en milieu rural, il faut une riposte syndicale unitaire d’ampleur !
Nous remettons à disposition le dossier réalisé par VISA début 2024 :
VISA s’est déjà rapproché de la Confédération Paysanne afin d’envisager des actions communes, mais cela ne suffit pas. Nous appelons donc l’ensemble de nos structures syndicales adhérentes à agir en milieu rural tant que faire se peut afin de stopper l’hémorragie.
En effet, l’augmentation de l’audience de la CR va de pair avec la progression des scores électoraux du RN dans les campagnes.
Se battre pour le retour des services publics de proximité, pour des salaires dignes, pour l’emploi et pour des mesures environnementales réelles, tout en dénonçant les impostures de l’extrême droite sur ces sujets, c’est le seul moyen de faire reculer les idées réactionnaires et identitaires.