Appel de Caen contre l’extrême droite
En décembre 2023, la loi Immigration a été votée par la « minorité » présidentielle, avec le soutien de la droite et de l’extrême droite, bien qu’ayant été dénoncée par l’ensemble des organisations syndicales et étudiantes, les ONG, les associations de défense des droits des étrangèr·es, les partis politiques progressistes, de nombreuses personnalités du monde de la culture, ainsi que la Défenseure des Droits. Les mesures prévues par cette loi autour de l’idée de « préférence nationale » sont directement issues du programme de l’extrême droite. Elles marquent une rupture avec les principes démocratiques en stigmatisant les personnes étrangères qui vivent, étudient ou travaillent en France et contribuent ainsi largement à la richesse de notre société. Cette loi remet non seulement en cause le droit du sol, mais constitue une nouvelle attaque contre la Sécurité Sociale. Fondée sur l’universalité des droits, ses prestations doivent continuer à être assurées sans considération de nationalité. Le vote de cette loi est un véritable tournant.
Nous alertons sur la bascule d’un pouvoir qui, morceau par morceau, reprend les idées, les valeurs et le programme de l’extrême droite antisociale, autoritaire et xénophobe. Cela instaure un climat politique inquiétant. Ainsi, plusieurs mois après le meurtre de Nahel, la question des violences policières demeure sans réponse ; les groupuscules d’extrême droite agissant avec violence manifestent leur sentiment d’impunité ; la situation à Mayotte sert d’expérimentation contre le droit du sol ; face à la crise de l’école, le gouvernement brandit la généralisation du port de l’uniforme ; l’austérité concerne tous les budgets à l’exception de celui des armées.
Les politiques néolibérales et austéritaires s’intensifient davantage, au prix d’une remise en cause toujours plus importante des droits humains les plus fondamentaux. En tout lieu, c’est l’usage de la force qui empêche le dialogue social, c’est la brutalité d’une politique xénophobe décomplexée qui met à mal les principes et valeurs d’humanité et de solidarité. Au final, le prétendu « barrage républicain contre l’extrême droite » fait place à une passerelle vers le fascisme.
Cette tendance xénophobe, belliciste et liberticide menace les peuples partout dans le monde, comme le montrent les politiques antisociales et discriminantes de Trump aux États-Unis, Milei en Argentine, Netanyahou en Israël et en Palestine. Fin janvier a été révélée en Allemagne la tenue d’une réunion conspirationniste entre néonazis, entrepreneurs et politiciens au sujet d’un plan de déportation massif d’étranger·es. En réaction, les samedi et dimanche 20 et 21 janvier, près d’un million et demi de manifestant·es ont défilé dans toute l’Allemagne contre l’extrême droite et ses collusions avec une partie du patronat allemand et de la droite traditionnelle.
Nous aussi, en France, devons nous unir contre l’extrême droite et l’adoption progressive de son programme par Emmanuel Macron et son camp politique. L’alliance sur l’immigration préfigure un risque réel de rapprochement durable entre droite et extrême droite. La crise de régime (contestation populaire et crise institutionnelle) ébranle périodiquement un exécutif affaibli et isolé, le rendant moins opérationnel pour mener des politiques d’austérité sans cesse plus agressives. Du coup, l’alliance avec l’extrême droite devient une option envisagée par une fraction de la classe dominante, pour restaurer un ordre propice aux affaires.
L’extrême droite, en plus d’être raciste, demeure tout autant au service des plus riches. Son imposture sociale est manifeste : elle s’oppose aux hausses de salaires, à la taxation des superprofits, aux services publics. Propageant le climato- scepticisme, elle exclut de remettre en question l’ordre économique au service des intérêts capitalistes, pourtant principal responsable du dérèglement climatique.
Encore aujourd’hui, le Rassemblement national fait montre de peu d’empressement pour protéger le droit à l’interruption volontaire de grossesse, au prétexte que celui- ci ne serait pas menacé en France. Dans les faits, l’accès à l’IVG n’est pourtant pas garanti en tous points du territoire, faute de moyens et de praticiens. Il ne se saisit des luttes féministes que pour les instrumentaliser contre les populations immigrées, sans jamais s’engager contre le sexisme structurel et systémique de notre société. De manière tout aussi hypocrite, il tente de récupérer la lutte contre l’antisémitisme, sans pour autant renier son passé.
Face à l’extrême droite et au pouvoir qui s’en rapproche, nous avons plus que jamais besoin de réelles politiques sociales : augmenter les salaires en prenant sur les profits et les dividendes, garantir l’accès aux emplois et aux services publics, protéger la société contre toutes les formes de discriminations sociales, qu’elles soient racistes, sexistes ou économiques, en finir avec le productivisme capitaliste qui détruit la planète. C’est par la justice sociale qu’on crée de la cohésion et non par l’autoritarisme réactionnaire.
Pour déjouer ce basculement du macronisme vers l’extrême droite, c’est la société tout entière qui doit se soulever. L’heure est à un sursaut humaniste et antifasciste que cet appel caennais a vocation à porter avec les syndicats, les associations, les organisations politiques progressistes et toutes et tous les citoyen·nes attaché·es à l’égalité universelle des droits, la justice sociale et environnementale et la lutte contre tous les racismes.
Caen, avril 2024
Signataires : AFPS 14, Alternatiba Caen, ASTI 14, CGT 14, Citoyen·nes en lutte Ouistreham, Collectif Lexovien de Défense des Personnes Privées de Droits, Collectif Solidarité avec les Exilé·es, Comité Amérique latine du Calvados, Ensemble ! 14, FSU 14, Génération.s 14, KIC-Cip, Les Écologistes EÉ-LV 14, LFI 14, NPA Caen, PCF 14, PS 14, Solidaires 14, SOS Racisme Basse-Normandie, UCL Caen, Union Pirate Caen, Vents Contraires, VISA 14.