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AFPS PAYS DE LORIENT : Lettre au président du Festival interceltique de Lorient

15 août 2025

Lorient , le 10 août 2025


Monsieur le Directeur,


En 2005, de jeunes musiciens palestiniens étaient accueillis au Festival Interceltique de Lorient. Deux ans plus tard, ils y revenaient. Ouest-France du 3 août 2007 titrait : « Le bagad palestinien Guirab est de retour » en soulignant sa participation à la Grande Parade. Et le journal ajoutait : « Une nouvelle trêve est offerte aux réfugiés. Dix jours de musique et de paix». Quant à la musique (« Guirab » signifie cornemuse en arabe), c’était la leur, et n’avait « rien à voir avec le répertoire écossais, breton ou irlandais ». Et cela ne choquait personne.Dans ce même numéro il était ajouté que « la cornemuse a été introduite en Europe par les Croisés de retour de Palestine ».


C’était bien avant le 7 octobre 2023.


En 2007 déjà, ces Palestiniens étaient, comme des centaines de milliers d’autres, des « réfugiés ». Parce que chassés de leur terre par l’Etat d’Israël, parqués dans des camps en Cisjordanie. Ou réfugiés au Liban voisin. Ou enfermés dans la bande de Gaza placée en 2007
sous un blocus total par ce même Etat d‘Israël, qui l’a réduite aujourd’hui à un tas de ruines et en a fait un cimetière à ciel ouvert.


En 2007, c’était un message d’ouverture, et c’était l’honneur du F.I.L. d’accueillir des Palestiniens dont la culture n’est pas celle du monde celte.


Aujourd’hui, en 2025, les choses semblent malheureusement avoir bien changé. Et nous ne pouvons laisser passer sans réagir deux incidents, survenus le 7 août dans l’espace du Festival, et que nous refusons de considérer comme mineurs. Dans les deux cas, il y a, à l’origine, la présente ô combien discrète d’un drapeau palestinien.


Premier incident :

  • Le 6 et le 7 août, un couple franco-italien, déambule tranquillement au festival. L’homme porte un drapeau palestinien autour du cou, comme une cape. Aucun problème le 6 août sur tout le site du festival.
  • Le 7 août, vers 21h, quai du livre, Interpellation par des CRS du monsieur qui, ne parlant pas bien français a du mal à comprendre ce qu’on lui reproche, sa compagne traduit. Ton agressif des policiers qui lui intiment d’enlever son drapeau évoquant de manière vague qu’aucun drapeau autre que ceux des nations celtes n’est admis sur le site, au prétexte que le festival serait apolitique. Contrôle d’identité, menace d’être
    conduits au commissariat si le couple persistait à porter le drapeau dans l’enceinte du festival. Interloqué, le couple décide de s’adresser à un responsable du festival. Ils vont
    au stand de prévention, place des Pays celtes. Une représentante du festival leur signifie que spécifiquement le drapeau palestinien est interdit.
  • Seconde interpellation vers 23h05, le monsieur est brutalement accroché par devant par ses vêtements et emmené contre une palissade. La dame filme, les policiers se calment. Les policiers ordonnent une seconde fois d’enlever le drapeau en justifiant que les drapeaux des pays en conflit sont interdits. À nouveau un contrôle de documents pour le monsieur qui est menacé d’être emmené au poste s’il était repris une troisième
    fois.

Deuxième incident :
-7 août : notre association et les organisations qui se mobilisent ensemble depuis des mois contre les massacres en Palestine ont programmé la diffusion d’un tract informatif sur le génocide en cours, notamment en Palestine. La Sous-Préfecture, avisée de cette diffusion, n’a formulé aucune objection. Une petite trentaine de diffuseurs opèrent donc pacifiquement à proximité du Palais des Congrès, sans rencontrer aucun problème… Un des membres de notre association portant un drapeau palestinien est alors interpellé par trois policiers, avec relevé d’identité. Notre Présidente leur rappelle le caractère non interdit de notre présence, et décline également son identité. Les choses, heureusement, en restent là. Qui a donné l’ordre d’interpeller le porteur du drapeau ? Nous ne le aurons pas.

Monsieur le Directeur,


L’expression publique de la solidarité avec le peuple palestinien est-elle devenue un délit ? La présence de quelques drapeaux palestiniens est-elle à ce point dérangeante ou honteuse à
vos yeux qu’elle nécessite l’intervention des forces de police ?


Soyons clairs :
Que quelques festivaliers lambda s’agacent qu’on leur rappelle simplement que, pendant que Lorient fait la fête, un peuple est menacé d’anéantissement, c’est malheureusement dans
l’ordre des choses.


Que l’un ou l’autre d’entre eux aillent se plaindre auprès des responsables du Festival est déjà plus choquant.


Mais que la Direction du Festival, possiblement au nom d’un « apolitisme » totalement hors-sol, juge ces plaintes légitimes, et envoie des policiers interpeller les rares porteurs de
drapeaux, cela est proprement révoltant.


Pour qui ne veut pas détourner les yeux du génocide en cours en Palestine, l’expression d’une élémentaire solidarité est indispensable, en tout lieu et à tout instant. C’est ce que nous défendons depuis octobre 2023. Il est temps, plus que temps, d’en finir avec toute forme de criminalisation de cette solidarité, à fortiori quand elle s’exprime sans violence aucune par un simple drapeau.


L’Association France Palestine Solidarité du Pays de Lorient élève la plus vive protestation contre de telles pratiques plus déshonorantes qu’utiles. Les lampions de la fête vont bientôt s’éteindre à Lorient. Le génocide du peuple palestinien, lui, perdure. Et nous refusons de
simplement le regarder distraitement.


Veillez agréer, Monsieur le Directeur l’expression de nos salutations distinguées.


Pour le Bureau de l’AFPS,